Histoire
1587 - 1589
ANNIVERSAIRE DU SIÈGE DE JAMETZ
Légende
1. Cour
2. Donjon
3. Tour Cornica
4. Logement du Seigneur
5. Porte et Pont
6. Logement des officiers
7. Logement des soldats
8. Fossé creusé pendant le siège
A la fin du XVIe siècle Jametz formait une petite principauté dépendant de celle de Sedan appartenant à la célèbre famille protestante de La Marck ; comme leurs maîtres, les habitants de Jametz étaient de fougueux protestants.
Leur éloignement de Sedan semblait en faire une proie facile pour toutes les convoitises qui les guettaient. Le duc de Lorraine notamment était désireux de s'en emparer et il s'y préparait déjà au mois d'avril 1587 ; le gouverneur de Jametz était un brave capitaine, vieilli sous le harnais et nommé de Schelandre, qui razziait depuis longtemps tout le pays environnant.
À la fin d'avril une armée vint bloquer la place de Jametz, mais pas assez étroitement pour pouvoir empêcher un renfort de 50 soldats envoyés de Sedan d'y pénétrer la nuit. À leur arrivée, une sonnerie de trompettes annonce l'apparition de deux compagnies de troupes des garnisons voisines sur les hauteurs entourant la place. Malgré leur fatigue, les lanciers venant de Sedan sortent et se déploient en bataille, à la stupéfaction de l'ennemi qui ignorait leur présence à Jametz ; protestant de leur étonnement les assiégés se précipitent sur eux, les dispersent, après une poursuite de haut-lieu et font plus plusieurs … sauva Jametz, car un complot était ourdi entre plusieurs officiers de la place pour livrer celle-ci le soir même où troupes lorraines, à prix d'or… Au dernier moment un des conjurés, le sergent de l'Astre, d’Amiens, raconta tout au capitaine Caron qui en informa de Schelandre. Leur procès fut fait instantanément ils furent décapités l'avant-dernier jour du mois de mai.
ESCARMOUCHES AUTOUR DE JAMETZ
Une nouvelle sortie de la garnison fut moins heureuse ; un détachement s'étant aventuré sur la Meuse à Brieulles, fut poursuivi par les Lorrains et cerné ; 25 prisonniers restèrent aux mains de l'ennemi. Le lendemain 3 juin, 200 cavaliers et fantassins partirent de Jametz pour les réclamer à Brieulles ; les Lorrains promirent de les renvoyer le lendemain et les envoyèrent à Verdun où ils furent massacrés. Aussi de Schelandre fit prévenir le baron d’Haussonville (commandant du siège) qu'à titre de représailles il traiterait ses prisonniers comment on traiterait ceux du duc de Bouillon son maître.
Le 7 juin, il envoya ses 100 hommes à Verdun qui arquebusèrent les sentinelles et pillèrent quelques villages. Un autre détachement de Jametz, en rentrant de Loison (dans le canton de Spincourt), fut attaqué par la garnison de Pillon qui voulait lui enlever son butin ; mais leur peu de célérité permit à la garnison d'accourir et leur tentative échoua.
Ils tentèrent un second coup qui leur a qui leur avait été faits mais apprirent que les ducs de Bouillon et de Guise venaient de conclure une trêve jusqu'au 28 juillet, qui se prolongea en fait jusqu'à la fin de 1587.
Guillaume Robert, de Bouillon, quitte à Sedan le 27 juin pour aller joindre en Alsace les protestants allemands qui venaient soutenir leurs coreligionnaires français. Il traversa Jametz avec 1400 hommes, se dirigea ensuite sur Metz, en ravageant le pays sur son chemin.
Après une campagne malheureuse, battu est en fuite, Guillaume Robert mourut le 15 janvier 1588, en laissant sa sœur Charlotte comme légataire universelle, sous la condition de maintenir dans ses Etats le libre exercice de culte réformé.
African d’Hannonville, baron d’Ornes, établi à Louppy sur Loison le quartier général de son armée qui comprenait 5000 lansquenets allemands, 2000 Français, Espagnols et italiens, 7 compagnies de cavaliers albanais. Il plaça des postes importants à Louppy puis, Remoiville, à la Cense d'Oliva qui comportait une bonne maison carrée.
La garnison de Jametz était peu nombreuse et manquait de vivres ; les remparts étaient faibles et n'existaient pas partout.
Par bonheur pour les assiégés, une pluie abondante tomba pendant trois semaines ; les eaux débordèrent emplissant les fossés et les prairies, protégeant ainsi efficacement une partie du village.
Les travaux de fortifications furent repoussés activement. Le 1er janvier les lorrains s'emparèrent du moulin à vent, ouvrage avancé de la place, et y installèrent une garnison qui accommoda fort par son feu les assiégés pendant toute la durée des opérations. Les murs avaient 2m d'épaisseur et étaient percés de meurtrières.
FORTIFICATION ET RUSE
Avec Schelandre, l'âme de la défense était le célèbre ingénieur originaire de Bar-le-Duc, Jean Errard, qui avait pu s'introduire dans la place et apporter aux assiégés le concours de son talent. Il fit raser les tours à la hauteur du rempart et improvisa des bastions ; toutes les portes furent murées, sauf celle qui regarde Jametz vers le nord-est.
Le château affectait la forme d'un quadrilatère, flanqué de tour en saillie à chaque angle. Le donjon se trouvait au centre formant une vraie citadelle protégée par des tours et des fossés pleins d'eau ; il renfermait les vivres, munitions et le logement du gouverneur.
Le 2 mars un combat assez important s'engagea entre 200 cavaliers et fantassins de Jametz sortis pour aller chercher du bois en forêt et les Lorrains qui les assaillirent à leur retour ; des renforts intervinrent des deux côtés et après un engagement de trois heures … Le lendemain le blocus de la place fut complété par l'installation de postes Lorrains à Delut et à Boémont.
Le moulin à vent gênait fort les assiégés qui n'avaient pas encore réussi à le démolir ou à le reprendre. Le 6 mars 1558 au point du jour, François Schelandre, seigneur de Windebonne, envoya au moulin un soldat déguisé en paysan, chargé d'une hotte pleine de fruits, œufs, poissons et semblables vivres de carême sous lesquels était habilement dissimulée une charge de 22 livres de poudre, reliée par une corde à un rouet d'arquebuse bandé de manière à faire exploser la poudre si l'on voulait vider la hotte.
Après diverses simagrées dont le but était d'attirer l'attention des ennemis tout en paraissant vouloir se cacher d’eux, l'homme fut pris et feignit de se lamenter de la perte de sa hotte ; pendant que les soldats emportaient cette hotte de Moulins il s'enfuit à toutes jambes, tandis que les lorrains vidèrent celle-ci ; mais quand ils arrivèrent au sac de poudre, le ressort joua ; 40 hommes furent tués et le Moulin brûlé par l'incendie provoqué et les explosions des gibernes des soldats ; un seul échappa sain et sauf, la sentinelle placée en haut de la tour, nommé Cola Baus, et qui fut précipitée à terre par la violence de l'explosion.
La garnison comprenait un millier d'hommes grâce à deux compagnies de fantassins de Sedan qui réussirent à rentrer dans Jametz. Une sortie de cavalerie des assiégés qui ramenèrent du bétail et du blé de Vilosnes fournit ainsi un peu de vivre à la garnison.
Le 9 avril l'artillerie des assiégeants commença à canonner les remparts et bastions de la place ; le 16 au matin trois brèches furent ouvertes par leurs boulets dans les boulevards de la Lampe et du Hazard. À sept heures du soir les Lorrains se glissèrent sans bruit dans les brèches, repoussèrent les postes qui les gardaient et criaient déjà : « Ville gagnée » quand ils furent assaillis vigoureusement par Schelandre à la tête des troupes fraîches, et foudroyés par deux pièces de canon en batterie sur le boulevard du Hazard qui balayèrent le fossé ; repoussés à coups d'arquebuses et même à coups de pierres, les assaillants durent s'enfuir en désordre, sans que leurs artilleries pût les protéger ; le combat fut très chaud et durera plus d'une heure ; après avoir perdu beaucoup de monde, d’Harnonville du faire sonner la retraite. Un détachement d'assiégeants avait réussi à occuper la tour du Chat, mais, les porteurs d'échelles ayant été tués, les occupants durent abandonner la place de crainte d'un nouvel assaut. La garnison coucha sur les remparts mais les assaillants qui avaient été rudement effarouchés ne menèrent pas de grand bruit.
Du moulin à vent, réparé, le baron d'Haussonville suivait les mouvements de ses troupes ; après leurs échecs il renvoya son artillerie à Louppy, puis à Stenay. Les assiégés détruisirent à nouveau le moulin à vent et firent quelques razzias aux environs pour s'approvisionner.
3000 lansquenets vinrent renforcer les assiégeants et 120 arquebusiers sedanais entrèrent dans la place le 09 mai. Le surlendemain les cuirassiers de Schelandre attaqués sous les murs de Jametz par les lanciers albanais du duc de Guise les repoussèrent jusqu'à Louppy et ne perdirent qu'un homme.
RENFORCEMENT DU SIÈGE
Le 20 juillet « comme ceux de Jametz avaient recueilli bonne quantité de foin et commencé à couper les seigles » les lorrains fauchèrent les blés avec leurs épées ou les firent fouler aux pieds par leurs chevaux, à la désolation des assiégés, déjà éprouvé par la peste et la coquosange (dysenterie) qui atteignait surtout les femmes et les enfants.
L'armée lorraine qui ne cessait de s'accroître, comprenait alors près de 9000 hommes : 5 compagnies de lansquenets, 5 régiments d'infanterie, 4 compagnies d'albanais, 8 compagnies de lanciers italiens, plusieurs compagnies d'arquebusiers à cheval et de la cavalerie légère, de la compagnie des gardes du marquis de Pont-à-Mousson, la garnison de Verdun et les ouvriers employés aux fortifications. La place fut entourée d'une ligne de circonvallations comprenant 9 forts reliés par de profondes tranchées et un pont sur le ruisseau du Brasconru, entre la Cense de Diva et les Bois.
CAPITULATION
Le 27 décembre une trêve fut signée par pour six semaines par le duc de Lorraine et la duchesse de Bouillon. Aux termes de la capitulation signée entre Lenoncourt et de Schelandre, les habitants et la garnison pourraient quitter librement Jametz avec leurs armes, chevaux, hardes, meubles, familles, sous la protection des troupes de Lorraine s'il le demanderait ; 5 otages furent fournis par Lenoncourt pour garantir l'exécution de cette clause. La garnison obtint les honneurs de la guerre et devait être conduit à Sedan. Schelandre de son côté fournit des otages pour assurer l'exécution de la capitulation.
« Le jeudi 29 décembre, dit Buvignier, après avoir fait transporter au château tout ce qui restait dans la ville de munitions de guerre et de bouche, après y avoir fait entrer deux compagnies de gens de pieds réformées avec les débris valides de la garnison, de Schelandre donnait le signal du départ et à ses compagnons d'armes qu'il renvoyait à Sedan et à cette héroïque population dont le dévouement et le courage n'avait pas été ébranlés un seul instant pendant ces onze mois de cruelles épreuves. Tous se réunirent devant la porte du château, sur l'emplacement naguère occupé par le temple qu'il avait fallu raser six semaines auparavant pour les besoins de la défense ; ils s'agenouillèrent encore une fois, sur cette terre sacrée ou pendant si longtemps ils avaient pu prier à l'abri des persécutions ».
Les troupes se retirèrent à Sedan avec une partie de la population ; un certain nombre d'habitants se dispersèrent aux environs de Virton, à Damvillers, à Romagne sur les côtes où ils furent très bien reçus ; d'autres restèrent à Jametz et abjurèrent leur religion. Après leur départ Schelandre remit la ville à Jean de Lenoncourt et s'enferma dans le château qu’il voulait défendre jusqu'à la fin. Pendant la trêve de six semaines les Lorrains avaient construit un nouveau retranchement de huit pieds de haut et de 20 de large. La trêve fut prolongée jusqu'au 15 avril 1589. Le lendemain à deux heures du matin les Lorrains ouvraient le feu contre le château.
Les boulevards et les remparts furent battus par une violente canonnade : plusieurs milliers de boulets furent envoyés. Le 21 juillet une brèche fut ouverte et deux ponts de tonneaux en sapin installés pour l'assaut.
Schelandre avait informé Charlotte dans La Marck de sa situation, mais Jean de Lanoncourt s'empara de son messager et lut ses lettres ; il simula une réponse de la duchesse qui l’engageait à rendre le château à des conditions honorables. Schelandre fut abusé par ce subterfuge et se voyant à cours d'hommes et de munitions, sans espoir de secours il réunit ses capitaines et Jean Errard.
Ils résolurent de rendre la place. La capitulation fut signée le 24 juillet 1589.