Histoire
Au sud de la Lippe est à l'ouest de la Westphalie se trouvait le comté de La Marck. La famille de ce nom, anciennement illustre, se divisa à la fin du Moyen Age en plusieurs branches. L'une donna les ducs de Clèves et de Nevers. La lignée principale possédait d'importantes seigneuries et contractait de grandes alliances. À la fin du XVe siècle, Robert Ier de La Marck était seigneur de Sedan, Florange, Jametz et duc de Bouillon. Il fut tué en 1489 au siège d’Yvoi. Son fils Robert II, chevalier de l'ordre de Saint-Michel, servit Louis XII à la bataille de Novare (1513). Il eut plusieurs fils. L'aîné, Robert III fut maréchal de France et mourut en 1537. Son fils unique, Robert IV, eut la même dignité. Il avait épousé en 1538 Françoise de Brézé, fille de Louis de Brézé, grand sénéchal de Normandie, et de Diane de Poitiers. Il eut deux fils : Henri Robert, duc de Bouillon après lui, et Charles Robert, comte de Maulévrier, et plusieurs filles qui contractèrent de grandes alliances. L'une, Antoinette, épousa Henri de Montmorency, comte de Damville ; Diane, 33 fois mariées, épousa en premières noces Jacques de Clèves, duc de Nevers.
Un tournant fut pris par certains des La Marck pendant les guerres de religion. Henri Robert sympathisa avec la réforme protestante. Il épousa Françoise de Bourbon, fille du duc de Montpensier, qui ne transigeait pas avec le catholicisme. Le duc de Bouillon mourut en décembre 1574. Sa principauté de Sedan était devenue un lieu de refuge pour des huguenots persécutés. Philippe de Mornay, sieur du Plessis (Duplessis Mornay), y rencontra sa future femme, Charlotte Arbaleste, très jeune veuve de Jean de Pas de Feuquières, calviniste militante, très cultivée et femme de caractère. Ils se marièrent en janvier 1576, puis quittèrent ce territoire pour revenir en France, où la cinquième guerre de religion battait son plein. Déjà en décembre 1568, la future Mme de Mornay avait mis au monde à Sedan la fille issue de son premier mariage.
Le duc de Bouillon Henri Robert laissa deux fils. L'aîné, Guillaume Robert, fut à son tour duc de Bouillon. Né en 1562, il mourut en 1588 non marié. Son frère cadet, Jean, comte de La Marck, étant décédé l'année précédente sans alliance, l'héritage passa à Charlotte de La Marck, princesse de Sedan, fille d'Henri Robert, né en 1574.
Les ducs de Bouillon furent, au XVIe siècle, de fidèles serviteurs des rois de France. Robert IV, gendre de Diane de Poitiers, avait fait prisonnier par les Espagnols en 1552 au siège de Hesdin. Durement traité, il fut taxé à 60 000 écus d'or de rançon. Libéré par la trêve de Vaucelles (février 1555), il était si malade qu'on accusa ses ennemis de lui avoir donné un poison à action lente. Il mourut l'année suivante. Les rois de France étaient protecteurs du duché de Bouillon. Henri III maintint cette politique, comme il continuait à protéger Genève, afin de contrer les entreprises du roi d'Espagne. Après la révocation des édits de paix (1585), les ligueurs s'en prirent à Bouillon et Sedan, petit État protestant aidé par le duc de Deux-Ponts et l’Electeur palatin, et situé à proximité des Pays-Bas espagnols. À la fin de 1586, le duc de Guise subit un piteux échec dans un combat contre le duché de Bouillon. Dans le cadre de la huitième guerre de religion, Bouillon avaient lancé une attaque contre le territoire de Verdun qui demanda au duc Charles III de Lorraine sa protection, le roi de France ne pouvant l'assurer. Henri III ne s'en désintéressa pas et fit signer au duc de Guise (mai 1587) une trêve avec Bouillon. Le duc de Lorraine persistait néanmoins à s'emparer de cette principauté. Intervenant dans la guerre lors de l'entrée en France de reîtres, appelés par le parti protestant (automne 1587), il mit le siège devant Jametz et il parla de cette affaire à la réunion des princes lorrains à Nancy (fin janvier 1588). En mars de cette année, Henri III enjoignit en vain Charles III de retirer ses troupes. Avec l’édit d'Union (juillet 1588), il n'abandonna pas la protection de Sedan, mais il n'avait plus les moyens de sa politique. Charles III poursuivit le siège de Jametz qui capitula le 29 décembre 1588. Au début de 1589, Henri III aux abois chercha à renouer avec lui. Il ne repoussait plus l'idée de marier l'héritière de Bouillon avec le second fils de Charles III. Au moment de son assassinat, les princes lorrains menaçaient Sedan.
L'avènement deux Henri IV ne modifia pas d'abord le rapport de forces, mais le premier Bourbon, protestant, se trouvait du côté de ceux qui cherchaient énergiquement à défendre les possessions des La Marck. La jeune duchesse de Bouillon fut mariée par ses soins, en 1591, avec Henri de La Tour vicomte de Turenne, énergique homme de guerre. Elle mourut sans enfant en 1594. Ayant fait de son mari l'héritier de tous ses biens, cette succession devait susciter des contestations. Tandis que Charles III de Lorraine devait abandonner ce qu'il avait pu gagner de territoires des La Mark, ces derniers acceptaient mal de voir leurs possessions passer aux mains de Turenne. Henri Robert de La Marck, père de Charlotte, avait eu un frère, Charles Robert de La Marck comte de Maulévrier, qui, plusieurs fois marié, assura la descendance en ligne masculine de la famille. Dès la mort de sa nièce en 1594, il prit le titre de duc de Bouillon. Le comte de Maulévrier avait été un ami de Charles IX et vivait ordinairement à la cour des derniers Valois. Il était catholique. Dans les procès qui s'engagèrent pour la succession du duché de Bouillon et de la principauté de Sedan, Henri IV fit jouer tout le poids de son autorité. Il obligea Maulévrier à accepter quelques compensations. Charles Robert de La Marck fit mine de s'incliner même après lui (il mourut très âgé en 1622), son fils aîné Henri Robert prit à son tour le titre de duc de Bouillon. Il est certain que Henri IV avait cru pouvoir compter entièrement sur Turenne dont il avait fait l'héritier des possessions des La Mark, plaçant des protestants dans des positions clés. Turenne fut un duc de Bouillon actif et efficace. Il créa en 1602 l'académie de Sedan. En 1605, sa rébellion obligea Henri IV à lancer une expédition en Limousin où se situent les biens ancestraux des Turenne. Dans la première moitié du XVIIe siècle, le duc de Bouillon causa, tant à Louis XIII qu'à son père, de grandes difficultés.
Extrait de "Histoire et dictionnaire des guerres de religion" de Robert Laffont